TATOULU 2020

Jo Hoestlandt, dont l’ouvrage Vue sur Mer, concourt au prix Tatoulu 2020 devait venir au collège en juin prochain pour rencontrer les membres de l’atelier Tatoulu.

Bien évidemment tout cela est annulé ou, au mieux, reporté à l’automne prochain.

Elle a souhaité, malgré cela, leur écrire un courrier et a accepté que ce dernier soit diffusé à tout le collège.

Elle parle de ces dernières semaines, elle parle de poésie, de jeux de mots, du métier d’écrivain, de poète. Elle nous fait réfléchir aussi.

Bonne lecture !

Antoine Bouchon, professeur

Son site : https://johoestlandt.com/

Le site de Tatoulu : http://tatoulu.org

"Chères lectrices que je n’ai ni vues ni connues

Un tout petit virus a fait beaucoup de dégâts ces temps-ci, preuve que " tout petit " ne rime pas forcément avec " faiblard, nul, impuissant "
On a beaucoup à apprendre de cela, peut-être.
A vouloir toujours plus, et plus grand pour être plus puissant, on oublie sans doute la ruse du petit, le gravillon dans la chaussure qui blesse le pied, empêche de courir, de marcher.
il y a eu Les Fables, pourtant, qui nous ont souvent dit cela, de ne pas mépriser le plus petit, le plus faible, il peut nous surprendre, en bien comme en mal.
Par ailleurs, et je viens de l’écrire, le tout petit peut souvent contenir le très grand. Nul besoin de voyager pour s’imaginer des pays lointains, nul besoin de vrai monstre pour se faire tout un cinéma, nul besoin d’être follement aimé pour rêver d’amour fou…
Vous l’avez peut-être un peu expérimenté au cours de ces semaines confinées : les grands espaces, les forêts, les montagnes, la mer, les routes vers le sud ou ailleurs, les amis, les lointains parents, on les avait en nous, on s’en souvenait, on en rêvait, les jambes et les bras nous en démangeaient !
Dans le poème que je cite, et que j’aime beaucoup, d’Emily Dickinson, une poète américaine, écrit : I’m nobody. Who are you ? Are you nobody too ? Then, there’s a pair of us… etc etc...
Un écrivain, un poète, ce n’est pas quelqu’un qui se prend pour un autre, mais plutôt, peut-être, quelqu’un qui ne se prend pour personne, et qui donc peut être tous et chacun à son tour. Dont le nom n’est pas important à nommer puisqu’il peut être à chaque livre, un autre, des autres, tous à leur tour comme tous à la fois. Les acteurs aussi peuvent cela. Tous les artistes, en fait.
Et tous les enfants, les tout petits plus petits que vous qui jouent à : - on dirait que je serais… et alors toi tu dirais, tu ferais…
Et cela, quand ils manient le conditionnel, c’est à dire quand ils sont déjà moins petits… Avant, ils ne disent rien, ils sont.
Ils regardent un arbre et sont écureuil, ou feuille, se posent dans l’herbe et sont n’importe quel oiseau, lourds cailloux ils se laissent tomber au fond de l’eau, baveux escargots ils rampent et bavent sur le sol… koala pelucheux, s’agrippent à nos mollets comme koala à sa branche… torrents, ils pleurent, cascade, ils rient...

C’est cela que j’aime, quand j’écris, toutes ces transformations, ces métamorphoses, cette conversion de ma vie en d’autres vies racontées, où je pose soleils et pluies, campagnes et mers, îles et bateaux, là où ils veulent se poser, exister dans l’histoire.
Rien n’est plus vrai que le faux dans les histoires, ou rien n’est plus faux que le vrai, au choix et comme vous voulez.

En attendant vous vous dîtes sûrement : " heureusement qu’elle n’est pas venue, finalement, cette auteur (sans e, puisqu’on n’en met pas à fleur pourquoi en mettrait-on à auteur ???) Parce qu’elle aurait été dure à comprendre, on n’aurait pigé que dalle à ce qu’elle disait et en plus elle nous aurait piqué le meilleur du pique-nique douille c’est toi l’andouille !
May be…
Sauf pour le pique nique, je ne suis pas vorace du tout du tout.

J’espère que vous pourrez tout de même profiter un peu de votre club de lecture, une fois, d’ici les grandes vacances, vous retourner sur ce que vous avez lu, ce que cela vous aura dit, sur ce que cela vous aura fait comprendre, aimer ou détester.
Prenez soin de vous, des barrières et des gestes qui vont avec…
C’est drôle, jusqu’à ces jours-ci, les barrières étaient plutôt là là pour empêcher les vaches, les chevaux et les troupeaux de sortir, de se sauver !
A présent, elles sont là pour empêcher les virus d’entrer ! Comme quoi, rien n’est immuable… doivent penser les vaches...

Je vous embrasse… de loin, chères lectrices !"

Jo.HOESTLANDT